Rosalie Lamorlière (1768-1848)

Ou celle dont on se souvient majoritairement parce qu’elle est un personnage de Lady Oscar.

Si comme moi vous êtes fan de Lady Oscar, le personnage de Rosalie Lamorlière vous êtes nécessairement familier. Et si vous ne connaissez pas, je ne vous ferai pas l’affront de spoiler, même si le manga a 52 ans et l’anime plus de 40, pour vous laisser découvrir ce banger culte ! Pour l’anecdote, c’est ce manga qui m’a fait tomber amoureuse de Louis XVI et Marie-Antoinette.

Rosalie Lamorlière dans La rose de Versailles / Lady Oscar de Riyoko Ikeda

Riyoko Ikeda, l’autrice de Lady Oscar (Versailles no Bara au Japon), a fait un travail de dingue pour la réalisation de son manga et les préfaces et postfaces des mangas expliquent certains anachronismes que l’on pardonne aisément (Oscar portant un uniforme plutôt napoléonien, par exemple, parce qu’elle a eu la documentation trop tard). Cependant, elle a aussi pris de grandes libertés artistiques pour certains personnages historiques, ce qui est le cas de Rosalie : elle s’est inspirée de son destin initial, être la dernière servante de Marie-Antoinette, pour lui faire une saga épique, tragique aussi, et remplaçant avec un autre personnage les époux Desmoulins (Camille et Lucille), tous les deux guillotinés en 1794.

La vraie Rosalie Lamorlière est très différente de celle d’Ikeda et c’est d’elle dont j’ai envie de vous parler aujourd’hui.

Rosalie Lamorlière, de son nom complet Marie-Rosalie Lamorlière, est née le 19 mars 1768 à Breteuil, dans l’Oise. Son père est cordonnier. Elle est issue d’une fratrie de sept enfants et elle a le malheur de perdre sa mère à l’âge de douze ans.

Et si l’Histoire retient la modeste Rosalie qui est, à l’époque, Madame tout le monde, c’est parce qu’elle est la toute dernière servante de Marie-Antoinette.

Après les massacres qui ont eu lieu début septembre 1792 et qui ont vu des horreurs innommables, notamment la mort inique de la pauvre Princesse de Lamballe qui mériterait son propre article, Rosalie est engagée par le couple Richard qui est responsable de la Conciergerie, laquelle est une prison pour les personnes qui doivent être jugées avant d’être guillotinées.

Le 02 août 1793, un peu moins d’un mois après que son fils, Louis-Charles (1785-1795), lui ait été arraché pour être élevé en révolutionnaire, Marie-Antoinette (1755-1793), dite la Veuve Capet depuis le décès de Louis XVI (1754-1793), doit dire au revoir à sa belle-sœur Elisabeth (1764-1794) ainsi qu’à sa fille Marie-Thérèse Charlotte (1778-1851). On l’emmène en effet à la Conciergerie dans l’attente de son procès. Rosalie est affectée à son service et doit faire en sorte de « la tenir ». En effet, la reine déchue est très malade : elle a des pertes de sang utérines importantes. Aujourd’hui, on pense qu’elle aurait pu souffrir d’un cancer de l’utérus, d’un fibrome ou, dans une mesure moins dramatique, aurait subi une ménopause précoce causée par les traumatismes qu’elle a vécus, un peu à l’instar de Joséphine de Beauharnais, future Impératrice des Français.

Rosalie sera l’un des anges de Marie-Antoinette durant les soixante-seize jours la séparant de son exécution, essayant d’adoucir sa captivité par des petites attentions.

Elle rapportera également dans ses mémoires la vie de l’ancienne souveraine durant son enfermement, montrant l’extrême dénuement dans lequel elle était mais aussi la sympathie qu’elle a pu attirer :

« Sa coiffure, depuis son entrée à la Conciergerie, était des plus simples. Elle partageait ses cheveux sur le front, après y avoir mis un peu de poudre embaumée. Madame Harel, avec un bout de ruban blanc, les nouait avec force, et puis donnait les deux barbes de ce ruban à Madame, qui, les croisant elle-même, et les fixa sur le haut de sa tête, donnait à sa chevelure blonde la forme d’un chignon mouvant.

Le 2 août, pendant la nuit, quand la reine arriva du Temple, je remarquai qu’on n’avait amené avec elle aucune espèce de hardes, ni de vêtements. Le lendemain, et tous les jours suivants, cette malheureuse princesse demandait du linge, et Madame Richard, craignant de se compromettre, n’osait lui en prêter, ni lui en fournir. Enfin, le municipal Michonis, qui, dans le cœur, était honnête homme, se transporta au Temple, et le dixième jour, on apporta du donjon, un paquet, que la reine ouvrit promptement. C’étaient de belles chemises de batiste, des mouchoirs de poche, des fichus, des bas de soie ou de filoselle noirs, un déshabillé blanc pour le matin, quelques bonnets de nuit, et plusieurs bouts de ruban blanc, de largeurs inégales.

Le matin, en se levant, elle chaussait de petites pantoufles rabattues, et tous les deux jours, je brossais se jolis souliers noirs de prunelle, dont le talon, d’environ deux pouces, était à la Saint-Huberty.

Madame Richard me permit de prêter ma petite glace à la reine. Je ne l’offris qu’en rougissant. Ce miroir, acheté sur les quais, ne m’avait coûté que 25 sous d’assignats ! Je crois le voir encore : sa bordure était rouge, et des manières de Chinois étaient peints sur les deux côtés. La reine agréa ce miroir comme une chose d’importance, et Sa Majesté s’en est servie jusqu’au dernier jour. »

C’est elle aussi qui nous rapporte les derniers instants de Marie-Antoinette avant de partir vers l’échafaud le 16 octobre 1793.

«En entrant dans le cachot, où brûlaient deux lumières, j’aperçus un officier de gendarmerie assis dans l’angle de gauche et, m’étant approchée de Madame, je la vis tout habillée de noir, étendue sur son lit.

Le visage tourné vers la fenêtre, elle appuyait sa tête sur sa main. Madame, lui dis-je en tremblant, vous n’avez rien pris hier au soir, et presque rien dans la journée. Que désirez-vous prendre ce matin  ? La reine versait des larmes en abondance. Elle me répondit : Ma fille, je n’ai plus besoin de rien, tout est fini pour moi. Je pris la liberté d’ajouter : Madame, j’ai conservé sur mes fourneaux un bouillon et un vermicelle ; vous avez besoin de vous soutenir, permettez-moi de vous apporter quelque chose. 

Les pleurs de la reine redoublèrent, et elle me dit : Rosalie, apportez-moi un bouillon. J’allai le chercher ; elle se mit sur son séant et ne put en avaler que quelques cuillerées ; j’atteste devant Dieu que son corps n’a pas reçu d’autre nourriture, et j’eus lieu de me convaincre qu’elle perdait tout son sang. 


Un peu avant le jour déclaré, un ecclésiastique autorisé par le gouvernement se présenta chez la reine et lui offrit de l’entendre en confession. Sa Majesté, apprenant de lui-même qu’il était un des curés de Paris en exercice, comprit qu’il avait prêté serment, et elle refusa son ministère. On parla de cette circonstance dans la maison. 

Lorsque le jour fut venu, c’est-à-dire à peu près vers les 8 heures du matin, je retournai chez Madame pour l’aider à s’habiller, ainsi qu’elle me l’avait indiqué lorsqu’elle prit le peu de bouillon sur son lit. Sa Majesté passa dans la petite ruelle que je laissais ordinairement entre son lit de sangle et la muraille. Elle déploya elle-même une chemise qu’on avait apportée, probablement en mon absence, et, m’ayant fait signe de me tenir devant son lit pour ôter la vue de son corps au gendarme, elle se baissa dans la ruelle et abattit sa robe afin de changer de linge pour la dernière fois. L’officier de gendarmerie s’approcha de nous à l’instant et, se tenant auprès du traversin, regarda changer la princesse. Sa Majesté aussitôt remit son fichu sur ses épaules et, avec une grande douceur, elle dit à ce jeune homme : Au nom de l’honnêteté, Monsieur, permettez que je change de linge sans témoin.

– Je ne saurais y consentir, répondit brusquement le gendarme : mes ordres portent que je dois avoir l’œil sur tous vos mouvements. 

La reine soupira, passa sa dernière chemise avec toutes les précautions et toute la modestie possibles, prit pour vêtement non pas sa longue robe de deuil qu’elle avait encore devant ses juges, mais le déshabillé blanc qui lui servait ordinairement de robe du matin et, déployant son grand fichu de mousseline, elle le croisa sous le menton. 

Le trouble que me causait la brutalité du gendarme ne me permit point de remarquer si la princesse avait encore le médaillon de Monsieur le dauphin, mais il fut aisé de voir qu’elle roulait soigneusement sa pauvre chemise ensanglantée. Elle la renferma dans une de ses manches comme dans un fourreau, puis elle serra ce linge dans un espace qu’elle aperçut entre l’ancienne toile à papier et la muraille. 

La veille, sachant qu’elle allait paraître devant le public et devant les juges, elle donna par bienséance un peu d’élévation à ses cheveux. Elle ajouta aussi à son bonnet de linon, bordé d’une petite garniture plissée, les deux barbes volantes qu’elle conservait dans le carton ; et sous ces barbes de deuil elle avait ajusté proprement un crêpe noir, qui lui faisait une jolie coiffure de veuve. 

Pour aller à la mort, elle ne garda que le simple bonnet de linon, sans barbes ni marques de deuil ; mais, n’ayant qu’une seule chaussure, elle conserva ses bas noirs et ses souliers de prunelle, qu’elle n’avait point déformés ni gâtés depuis soixante-seize jours qu’elle était avec nous.

Je la quittai sans oser lui faire des adieux, ni une seule révérence de peur de la compromettre et de l’affliger. Je m’en allai pleurer dans mon cabinet, et prier Dieu pour elle. »

Marie-Antoinette meurt guillotinée le 16 octobre 1793 à 12h15, place de la Révolution, l’actuelle place de la Concorde.

Rosalie redevient plus ou moins une anonyme.

En 1801, elle met au monde sa fille, Marie-Rosalie (1801-1895) dont le père, auquel elle n’est pas mariée, est inconnu.

En 1824, en remerciement de sa bonté pour sa mère, Marie-Thérèse Charlotte, alors duchesse d’Angoulême, lui verse une pension.

Rosalie rédige ses mémoires, notamment la captivité de la dernière reine de France (sous l’Ancien Régime), lesquelles seront éditées par Paul Gaulot. (1852-1937).

Signature de Rosalie Lamorlière

Rosalie meurt le 02 février 1848, à quelques semaines de ses 80 ans.

Elle repose au cimetière du Père Lachaise et sa fille a fait graver cette épitaphe en hommage à sa chère maman :

« À la mémoire de ma mère, Rosalie Delamolliere, dernière personne placée 76 jours auprès de la Reine Marie-Antoinette dans sa captivité, pour le besoin de tout son service, dont elle s’acquitta avec douceur et respect. Priez pour elle. »

Tombe de Rosalie Lamorlière, Cimetière du Père Lachaise (Paris)

La véritable Rosalie est bien loin de celle dépeinte par Ikeda mais à dire vrai, elle m’est tout aussi attachante.

J’espère que vous l’aurez appréciée autant que moi !

Si toi aussi tu veux en lire plus sur Rosalie, tu peux aller regarder ces sources :

  • La dernière prison de Marie-Antoinette par Rosalie Lamorlière
  • Rosalie Lamorlière, dernière servante de Marie-Antoinette, de Ludovic Miserole
  • Paul Belaiche-Daninos, Les 76 jours de Marie-Antoinette à la conciergerie: La conjuration de l’oeillet
  • Paul Belaiche-Daninos, Les 76 jours de Marie-Antoinette à la conciergerie: Un procès en infamie

image à la une : Marie-Antoinette le matin de son exécution, Tony Robert-Fleury, 1906 (détail)


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